CORONA AU PAYS DES MERVEILLES (4)
Tunis, le vendredi
20 mars 2020 (Jour 6)
Aujourd’hui, 54
cas positifs dépistés en Tunisie. La courbe exponentielle s’emballe encore en Italie; le
jour où elle fléchira sera un jour heureux.
J’ai fini par
aller faire quelques courses pour la guerre qui s’annonce. C’est une guerre en
pyjama, certes. Mais c’est une guerre quand-même. Il y a eu des rumeurs sur un confinement total annoncé toute la journée. Au final, après un discours présidentiel et un communiqué du chef du gouvernement, on ne sait pas encore trop ce que c’est. Quoi que
ce soit, cela aura le mérite d’alléger la rue, les grandes surfaces et les transports. Et ce
sera déjà ça d’acquis.
J’espère que les les transports en commun seront arrêtés. Vraiment.
Je n’aime pas les
confinements! J’appréhende le confinement
que nous aurons à passer. Quinze jours? Peut-être plus.
Aujourd’hui, j’ai
créé un groupe Messenger qui s’appelle Voisins en Confinement. D’abord
quelques amis, ensuite leurs amis et voisins ont rejoint le groupe. Nous
sommes déjà 26. C’est sympa. Je me dis qu’on aurait pu le faire avant,
et organiser des rencontres joyeuses… Mais avant, personne n’avait le temps. Pour
l’instant, c’est rassurant, et c’est déjà ça.
Une normalité
de la situation de crise s’est installée, ici. Je crois bien que l’opération
éveil corona a eu ses effets sur nous-autres, Tunisiens. Hier, j’ai parlé à une amie de
Londres. Elle m’a raconté qu’une famille qui avait le virus et le savait,
avait continué d’emmener ses enfants à l’école cette semaine! Cette semaine! C’est
permis, c’est admis. Je ne comprends pas. Ce qui nous semble évident, ne l’est pas nécessairement pour tous, après tout. Depuis sa première apparition dans
les médias anglais, le mot ‘herd immunity’ a crée en moi un profond malaise. Un
dégoût. L’idée même de risquer d'exposer les plus âgés, les plus vulnérables, et les plus bruns par la
même occasion est effroyable.
Cette semaine, FB a masqué un article de la BBC que j'ai essayé de partager et qui contient un lien vers une pétition signée par un groupe de scientifiques britanniques appelant les décideurs à réviser leur position sur la stratégie d’exposer le peuple à une immunité collective incertaine. Maintenant que la position a été relativement révisée, FB envoie des excuses pour la gêne occasionnée, et libéré le post . Il ne faudra pas oublier ceci.
Cette semaine, FB a masqué un article de la BBC que j'ai essayé de partager et qui contient un lien vers une pétition signée par un groupe de scientifiques britanniques appelant les décideurs à réviser leur position sur la stratégie d’exposer le peuple à une immunité collective incertaine. Maintenant que la position a été relativement révisée, FB envoie des excuses pour la gêne occasionnée, et libéré le post . Il ne faudra pas oublier ceci.
Il y a une fracture réelle. Ce n’est pas le Brexit, ce n'est pas l’insularité, c’est bien plus
profond. Et je crois que cette fracture persistera dans l’ère post-Corona. Il y
aura ceux qui auront suivi le modèle chinois, et qui auront accepté l’aide de la Chine, et
les autres ? Peut-être. Une chose
reste indéniable: A ce jour, le héro officiel du globe, c’est la Chine et personne d'autre.
Je me force à
penser à l’après. L’après confinement. L’après corona. Mais je n’y arrive pas.
Alors je m’accroche à l’essentiel. Ma fille s’est fâchée contre moi car je lui
ai dit que ne pas avoir ses affaires d’école n’avait aucune importance. « Pour
moi, c’est important » dit-elle. C’est très probablement seulement pour la
compagnie, car on ne peut pas dire que cette histoire d’école à distance marche
pour un enfant de 9 ans.
Pour ne pas
oublier, je note ceci ici : Ne pas romanticiser le confinement. Ne
pas romanticiser le confinement. Ne pas romanticiser le
confinement. Etant claustrophobe, je ne pourrai de toutes les façons pas succomber au romantisme corona. Donc, il faut se battre contre cette bête voyageuse qui nous force -nous- à nous enfermer. You do not know who we are, Corona. Tu ne sais pas encore qui nous sommes: Migrants, enfants de migrants. Nomades, enfants de nomades. Nous avons ceci en commun, nous et toi.
Le 20 mars est la
fête de l’Indépendance de la Tunisie. Dieu que j’aime ce pays. Je suis reconnaissante pour le
luxe inestimable d’être confinée ici... et nulle part ailleurs.
Il y a de l'espoir.
Illustration: Drapeau de Tunisie
Illustration: Drapeau de Tunisie
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