CORONA AU PAYS DES MERVEILLES, LE RETOUR (2)
LA RÉPUBLIQUE POST-DELTA ARRIVE
Tunis, le 14
juillet 2021
Cet été, le variant Delta est en train de donner à la Tunisie, du Nord au Sud et dans ses moindres recoins, des frissons de fièvre répétitifs et violents. Le pays n’a vécu rien de tel en dix ans. Maintenant, d’une minute à l’autre, le patient Tunisie risque de commencer à convulser. Et s’il commence, la Méditerranée entière bougera, cette fois-ci aussi. Ce sera inévitable. Le passé l’a prouvé, ce pays est impossible à isoler, impossible à enclaver.
En 2011, ce sont
des images venues d’un couloir d’hôpital qui ont donné l’une des premières
convulsions populaires générales. Ce n’était pas l’image de Ben Ali au chevet
de Bouazizi, érigée plus tard en "image culte" par les médias. Ce sont plutôt des
images d'un brancard portant un jeune homme le crâne ouvert par une balle provoquant
une panique effroyable dans un couloir des services d’urgences un hôpital de
centre du pays (peut-être était-ce Sidi Bouzid?) qui ont contribué à atteindre le point de non retour. Est-ce que les mouvements populaires ont de plus grandes chances de naître
dans les couloirs d’hôpitaux ?
Il est devenu
clair qu’il y aura un avant et un après le passage du variant Delta en Tunisie.
Un avant et un après l’été 2021. La question qui reste est celle du comment.
La deuxième république
tunisienne n’aura pas lieu. Cette deuxième république vient de prouver, s’il en
avait besoin, qu’elle n’était plus rien d’autre qu’un projet de spoliation organisée. Elle a épuisé
toutes ses chances. Elle a démontré qu’elle avait déjà atteint sa date d’expiration ;
et que la couche de moisissures qui c’était formée à la cime s’est étendue dans
tout le corps. Cette dite deuxième république aura été l’une des plus grandes arnaques
de l’histoire du pays (c’est comme cela qu’elle sera enseignée dans les livres
d’histoire). On y est tombés, hélas. La leçon à retenir -entre autres- sera que
la Tunisie ne se gouverne pas depuis le Bardo. Il ne se signe –au Bardo- que
les traités foireux et les escroqueries. Il était pourtant légitime d’y avoir
cru. Une refonte constitutionnelle, une assemblée constituante, un parlement
élu, c’est quand même tentant, pour les naïfs et les rêveurs. Le rêve a vite fait de s’évaporer. En 1881, il y a eu aussi des jeunes tunisiens
sensés et patriotes qui –excédés par la corruption de leurs gouvernants- ont
cru au projet du protectorat dans leur pays. Leur rêve aussi avait vite fait de s’évaporer,
mais pour renaître sous une autre forme.
La troisième république
tunisienne n’aura pas lieu, elle non plus. La troisième république est ce qui
nous est -à ce jour- vendu comme l’unique alternative au projet islamiste. Il se trouve que le scénario est mort-né. Comme
disent les ados de quelque chose qui n’a aucune chance de leur convenir, c'est un projet périmé avant même d’avoir existé (Pardon, ré-existé). De toutes les façons,
cette idée du « retour à un avant meilleur » qui a pu séduire une
tranche de la société, a été elle aussi essuyée à jamais par la pandémie. Elle est aujourd’hui de l’ordre de la préhistoire,
de l’avant l’invention de l’écriture, et des vaccins, et même des
virus! Si le pays a de la chance, il ne s’y attardera pas et enjambera cet épisode
aussi.
La république Delta
(numéro 4) sera donc la prochaine. On a dit de cette pandémie qu’elle aura
mis à nu les gouvernements et les peuples. Ici, le variant Delta n’a pas fait
que déshabiller. Il a dépiauté, lacéré, scalpé. Il ne sera pas possible, après la
guerre, de cacher la chaire vive avec des lambeaux. Il faudra faire peau neuve, La Delta-Republic arrive. A
ce stade, il est difficile d’entrevoir de quelles forces, quelles stratégies, quelles
alliances, quelles élites elle sera faite. Et personne ne sait si elle aura des
chances de survie, ou si elle ne fera que préparer l’Après-Delta. Ce que l’on
sait, c’est qu’elle avance, elle gronde, elle est là, comme une évidence, comme
une puissance qu’il sera bientôt impossible de stopper.
Il faut
maintenant ouvrir grands les yeux et les oreilles, et observer. Aucun mouvement
ne sera anodin. Aucune parole ne sera à négliger. Ne quittez pas des yeux les
couloirs des hôpitaux, les couloirs des tribunaux, les tarmacs où atterrit l’aide
internationale, les camps de vaccination en treillis… Et celui qui a quelque
chose à dire, des excuses à présenter, des erreurs à confesser, une démission à présenter, qu’il le fasse
maintenant. Ça va convulser. Tout le monde est prêt, sauf ceux qui s’attacheront
aux illusions et aux cupidités.
Au XIXème siècle,
la vaccination a constitué un des piliers de la formation des états modernes. Ici et maintenant,
le variant Delta est en train de planter le décor pour la prochaine décennie. Je
prie, je prie, je prie, pour que l’ère post-Delta soit la décennie de la guérison.
Illustration: Inscription romaine, Dougga. Photo@SLamine
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